La truffe, champignon d’excellence, a tout pour plaire aux fins gourmets et aux restaurateurs. Mais comment la cuisiner ? Faut-il favoriser la truffe fraîche direct producteur ou la truffe conditionnée ? Voici l’avis d’Eric Thuillier, chef et enseignant, et de Thierry Nerisson, responsable de l’École Hôtelière de l’Institution Notre Dame La Riche à Tours.
Comment intégrez-vous la truffe noire au sein de votre école ?
Située dans le quartier des Halles de Tours, cité mondiale de la gastronomie, notre école prépare ses élèves à la cuisine, au service et à l’hébergement. Chaque année, nous dédions plusieurs jours à la truffe noire, avec des repas “dégustation” proposés à nos étudiants et à nos clients.
Nous faisons également visiter des truffières locales à nos élèves, qui découvrent le cavage et le travail des chiens truffiers. Dans le froid, les pieds dans la gadoue, ça change de la cuisine ! Nous menons à bien cette opération grâce à nos partenaires, l’Association des Trufficulteurs de Touraine, qui se déplace régulièrement dans nos murs pour expliquer le travail de producteur de truffes noires.
Surgelée, en conserve, sous-vide : quelles sont les différentes façons de se fournir de la truffe ?
Au sein de notre école hôtelière, nous travaillons exclusivement avec de la truffe fraîche direct producteur. Pas besoin de truffe en sauce, en huile ou en jus : la tuber melanosporum, ou truffe noire, est produite localement et nous satisfait pleinement !
Labellisée “circuit-court”, notre école s’engage dans le respect de l’environnement et de la saisonnalité. Cela nous permet d’éduquer et de sensibiliser les élèves à une cuisine durable, élaborée avec des produits locaux.
Il nous semble bien plus intéressant de proposer des truffes fraîches (mélanosporum) durant leur pleine saison, entre décembre et février. Personne n’a envie de manger des fraises à Noël ou des cerises en octobre ! C’est pareil pour la Truffe Noire du Périgord, c’est une truffe d’hiver, il n’y aucun intérêt à la proposer sous d’autres formes le reste de l’année.
On trouve également en Touraine de la truffe d’automne Tuber Uncinatum, ainsi que de la Tuber Aestivum en été. Ces deux truffes peuvent également être utilisées pour des préparations culinaires. Elles sont délicieuses, mais sans commune mesure avec le nez et les arômes de la Truffe du Périgord.
Quelles sont les principales différences nutritives et gustatives entre une truffe en pot et une truffe fraîche direct producteur ?
La qualité gustative des truffes noires fraîches n’a rien à voir avec des truffes en boîte, en conserve ou en poudre. La truffe noire du Périgord, récoltée en Touraine comme dans de nombreuses régions françaises, possède un parfum unique. Facile à émincer ou à tailler, elle donne du caractère à un plat. Elle a bien plus de tenue qu’une truffe conditionnée de manière industrielle ou qui a subi un traitement thermique. Côté tarif, le prix au kilo n’est pas beaucoup plus élevé.
Difficile de savoir s’il y a une grande différence en matière de nutrition. Ce qui est certain, c’est que la truffe se déguste en petite quantité. Quelques grammes suffisent ! On n’est pas là pour remplir son estomac, mais bien savourer son caractère organoleptique et en faire profiter tous ses sens, de l’odorat à la vue en passant, bien sûr, par le goût.
Qu’apporte la truffe fraîche dans vos créations culinaires ? Avez-vous des exemples de plats que vous aimez préparer ?
La truffe fraîche offre à toutes les préparations une saveur inimitable et une teinte de noir intense. Comme le parfum, elle doit être intégrée en petite quantité pour trouver sa juste expression ! Elle est intéressante dans des plats basiques et neutres comme les œufs brouillés, l’omelette ou les tagliatelles.
Utilisée comme une épice ou un condiment, elle s’ajoute au dernier moment, au moment de l’envoi de la commande. On aime la préparer en lamelles dans une crème d’œufs, dans un pâté ou un rôti de bœuf. Il est aussi possible de l’associer à du chocolat, comme la cannelle ou la vanille, pour des desserts gourmands.
Quels conseils donnez-vous sur la truffe dans vos cours de cuisine ?
La plupart du temps, nos lycéens et étudiants n’ont jamais goûté à ce produit du terroir, qu’on appelle le “diamant noir”. Nous leur apprenons à l’utiliser en condiment, mais ça ne change pas la recette. Par exemple, pour un suprême de pintadeau, on va ajouter quelques émincées ou lamelles au dernier moment. On évite bien sûr de les servir cuites ou chaudes. Ce produit de luxe est bien plus expressif lorsqu’il se déguste cru ! Pour réaliser des mets d’exception, la truffe s’ajoute en petite quantité. Tout est une question de dosage et d’équilibre.
Pour la conserver, il est possible de la placer dans un bocal avec une douzaine d’œufs. Sous 48 heures, les œufs auront pris le parfum des truffes ! Seule, elle se conserve enveloppée dans du papier absorbant ou dans une boite hermétique avec du riz une dizaine de jours. Une truffe placée dans un réfrigérateur sans emballage, c’est la garantie d’avoir tous ses produits frais truffés. Enfin, le plus important, c’est de travailler avec nos jeunes la truffe noire locale : la Melanosporum. Pour nous, c’est la plus belle et la plus aromatique de toutes les variétés de truffes !