Producteur de truffes est une profession riche et complexe, qui nécessite rigueur et patience. On en parle avec Olivier Roynette, trufficulteur passionné à l’origine de la Truffe du Roy.
Pourquoi avoir choisi de devenir trufficulteur ?
La trufficulture est pour nous le moyen de se rapprocher de la nature et de notre domaine en Touraine. Quand vous vous plongez dedans, c’est un peu comme un casse-tête, car rien n’est écrit d’avance. Ce n’est pas une science exacte, mais plutôt un art de vivre. On a vite fait de vouer une passion à ce produit du terroir !
Notre objectif est aussi de créer quelque chose pour nous. Nous avons été salariés toute notre vie, et nous nous donnons maintenant pour objectif de faire grandir notre truffière pour la laisser un jour à nos deux filles.
Comment vous êtes vous formés à la culture des truffes ?
On se forme à la trufficulture en lisant des livres ou via internet, mais aucun support ne raconte vraiment les choses de la même façon. Là, on se demande : dans quel monde sommes-nous tombés ?
Dans notre cas, nous avons regardé ce qui fonctionnait aujourd’hui et surtout beaucoup discuté avec des trufficulteurs en activité. Tous nous ont partagé leur vie professionnelle, même si le monde de la truffe noire reste secret et que peu de personnes sont à même d’expliquer leur savoir. Je trouve cela dommage, car ça ne fera pas évoluer la profession qui a besoin d’être davantage connue. Nous nous sommes ensuite formés en faisant appel à des experts comme notre pépiniériste spécialisée dans les terrains acides. C’est elle qui nous a conseillé la plantation de chênes en duo l’un à côté de l’autre pour augmenter notre capacité de production.
En quoi l’expérience d’autres professionnels est-elle nécessaire ?
Nous avons bénéficié de l’expérience d’autres plantations en allant caver, c’est-à-dire en allant à la chasse aux truffes noires avec un chien. Ce sont des moments magiques ! Notre chef de culture est un ami. Il est un élément essentiel pour l’avenir de notre jeune truffière et ses conseils sont les bienvenus, puisque sa truffière vient d’entrer en production. Après avoir planté, nous nous formerons chez nous, à ses côtés. L’expérience et les années de pratique sont essentielles pour espérer récolter ce produit typique de nos terroirs.
Pourquoi avoir choisi de faire adopter des chênes truffiers avant leur mise en production ?
L’idée de faire adopter nos chênes est avant tout de créer une communauté autour de la truffe noire pour la faire connaître et la démocratiser. Nous encourageons tous les curieux à oser ce champignon gastronomique aussi appelé Tuber Melanosporum ! Dès l’entrée en production de nos arbres, les amis de la Truffe du Roy recevront la récolte de leurs chênes et pourront sublimer leurs recettes avec les arômes de la truffe du Périgord.
Vous avez pour ambition de démocratiser la truffe. Pourquoi ?
Trop peu de personnes ont déjà goûté à ce diamant noir plébiscité des restaurateurs et des fins gourmets. Elles imaginent un produit de luxe, alors qu’il faut seulement quelques brisures (10 grammes, soit 10 euros) pour découvrir sa saveur parfumée et inoubliable. Arrivés à maturité, nos chênes mycorhizés produiront des truffes savoureuses, à déguster dans de nombreuses recettes : purée, foie-gras, carpaccio, tagliate.
Quels types de sols et de climats sont nécessaires pour cultiver des truffes noires de qualité ?
Un bon sol pour la truffe noire du Périgord doit rassembler plusieurs caractéristiques :
- La texture : ⅓ limon, ⅓ sable, ⅓ argile.
- Un terrain en pente ou bien drainé. Sous-terre, en cas de fortes pluies, la truffe risque d’être asphyxiée dans l’eau et mourir.
- Un sol calcaire, avec un ph proche de 8.
- Un précédent cultural neutre : la truffe est un champignon pionnier qui sera dominé par les autres champignons. Par exemple, couper des arbres et installer des plants truffiers sans attendre à minima cinq ans est voué à l’échec !
Le climat des régions du sud, du sud-ouest et du centre de la France sont idéaux, car la truffe noire a besoin d’eau, mais pas trop pour se développer. Le climat océanique est à proscrire ! La truffe noire aime surtout les orages d’été.
Comment la relation avec la nature influence-t-elle votre approche du métier ?
Le trufficulteur vit en symbiose avec la nature comme l’est la truffe avec son chêne. En tant que producteur de truffes noires, vous vivez au rythme des saisons, en suivant la pluviométrie et la température. Vous êtes à l’écoute de la nature dont vous dépendez.
Y a-t-il un moment particulier que vous êtes impatient de découvrir ?
Le moment que l’on attend tous débute en novembre quand les premières truffes entières “éclatent” et sont annonciatrices d’une saison prometteuse (ou pas). Ces truffes fraîches trouvées par le chien ne pourront pas être récoltées, mais offrent une vision pour la suite.
Ensuite, c’est la période de cavage de décembre à février qui est attendue avec impatience par chaque trufficulteur. Ces trois mois sont le fruit d’un dur labeur tout au long de l’année à entretenir et à prendre soin de la truffière.
Comment comptez-vous gérer l’entretien de votre truffière au quotidien ?
Durant les quatre années à venir, notre truffière sera gérée à distance par notre chef de culture et sur place par mon ami Jacky Bodart, qui va prendre soin de la truffière. En attendant que nous soyons sur place et que j’y consacre la totalité de mon temps.
Comment s’organisera la récolte et quel sera le rôle des chiens truffiers dans cette étape ?
La récolte des truffes noires du Périgord (ou cavage) se fait chaque jour de décembre à fin-février, qu’il fasse beau, qu’il pleuve, neige ou vente. Agnieszka, mon épouse, va dresser au minimum trois chiens pour cet exercice. En effet, un chien truffier travaille 45 minutes maximum par jour pour le cavage. La race la plus couramment utilisée est le Lagotto Romagnolo, chien italien à l’origine dressé pour la chasse aux gibiers d’eau.
Quelles sont les principales difficultés et les défis rencontrés dans la trufficulture ?
La trufficulture est l’art de prendre patience. Pour espérer récolter des truffes au sein de notre production française, nous devons en effet passer par de nombreuses étapes : tailles des arbres en lune descendante pour éviter trop de croissance des arbres, taille des racines (la truffe noire se développe sur les nouvelles racines de l’arbre), suivi du sol (ph, non-stagnation des eaux par buttage) et bien d’autres. À la fin, c’est bien la nature qui décide ! Ce qui est certain, c’est que si vous ne respectez pas chaque préalable, vous n’aurez pas de truffes.
Concernant les défis, c’est à mon sens de mieux se faire connaître pour que chacun puisse profiter des truffes noires.
Quelle est votre plus grande satisfaction dans ce choix de devenir trufficulteur ?
Ma plus grande satisfaction est de construire quelque chose pour nous et vous tout simplement : en famille et pour la communauté des Amis de la Truffe du Roy.